L’histoire de la musique dubstep (partie 2/4)

Cette seconde partie se concentre sur les actions du Crew dubstep DMZ, un mélange des premières et secondes générations de la musique dubstep

Le légendaire label de musique dubstep : DMZ Records (2003-2006)

La première génération de musique dubstep continue d’influencer et de surprendre en incorporant d’importants éléments du reggae/dub/jungle dans les nouvelles compositions dubstep.

Alors que Skream, Benga, N Type, Cyrus, Chef, Walsh sont recrutés pour alimenter la nouvelle scène dubstep, c’est le crew Digital MystikZ (DMZ) composé de Mala et Coki accompagnés par le MC Sgt Pokes et Loefah qui créent une véritable sensation parmi les fervents early-adopters de la musique dubstep.

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Après avoir respectivement édités leurs vinyles dans la boutique Big Apple d’Hatcha, Mala, Coki, Loefah et MC Sgt Pokes créent le label DMZ Records, gardien de l’âme « dub » du style de musique dubstep.

La première soirée DMZ est organisée en avril 2005 au club Mass, à Brixton. Seule une centaine de participants se rendent à ces nouvelles soirées et permettent au crew DMZ de tester de nouveaux rythmes, wobble et autres sonorités.

Cette période est l’occasion de mûrir le style musical dubstep, au niveau de la composition musicale mais aussi au niveau du « mixage » et du « mastering ». Certaines tracks jouées aux soirées DMZ sonnaient comme « Bahl FWD » de Skream, avec une basse sans equaliser, tres puissante, presque assourdissante.

Sérendipité, Travail et Partage de la musique dubstep

Grâce à de multiples échanges de vinyles dubstep entre les différents protagonistes dubstep DMZ, Skream, Youngsta, Hatcha ou encore Kode9, la qualité de production augmente, le nombre de tracks et la musique dubstep se développe en diversité.

« A un certain moment, il y avait peut-être 50 track de musique dubstep dans le monde entier. Si cinq d’entre-elles étaient à moi, alors je ne pouvais pas les jeter » – Loefah

Youngsta et Loefah se téléphonait pour se faire découvrir leur prods et commenter le mixage des différentes pistes. Hatcha rencontrait Mala au coin de la station de métro Victoria pour se filer un vinyle.

Une seule chose intriguait : le contretemps. Et de ces multiples échangent naissait probablement l’une des caractéristiques essentielles de la musique dubstep après le wobble : sa rythmique.

Loefah change alors la structure de la batterie : plus de syncope sur le beat en 4/4 comme le 2-step, mais plutôt une structure half-step. Prendre l’espace mais maintenir le groove. Le beat garde sa régularité, mais l’espace crée entre les temps permet au silence de s’exprimer, comme une réponse aux temps pleins.

Ce virage rythmique de la musique dubstep permet de plus facilement dessiner un paysage sonore autour de la track. Les tracks de Loefah mettent souvent en valeur des rythmiques complexes et qui se superposent en mix, tant au niveau rythmique que mélodique.

« I see the space in between the drumbeats as just as much of an instrument as anything else in the track. » 

– Loefah

Photo : Loefah, – Ashe 57

Succès des soirées musique dubstep DMZ

Le premier anniversaire de DMZ a lieu dans la nuit du 04 au 05  Mars 2006 dans le quartier jamaïcain Brixton, au club Mass.

C’est dans un contexte violent (période de terrorisme à Londres) que le morceau Anti War Dub de Mala résonne dans le sound-system et semble n’avoir jamais été aussi approprié :

« We don’t wanna fight tonight/Let’s all unite »

Cette soirée est considérée comme l’une des deux nuits les plus influentes, avec les soirées FWD>>. Alors que déjà 400 personnes se trouvaient déjà dans le club pour écouter la musique dubstep, plus de 800 faisaient encore la queue à l’extérieur, obligeant les organisateurs, dj et le public a changer de salle, au profit de la Main Room du Club Mass Avenue. Certains fans sont suédois, américains ou australiens.

Le succès est total, le public s’engouffre dans ces soirées sombres, denses et intenses. Lorsque les Djs Dubstep réalisent un mix avec une track particulièrement affectionnée par le public, un « Rewind » est effectué : le Dj scratch la track en arrière, jusqu’au début, le mc comble les quelques secondes d’exécution, et la musique est relancée depuis le début. L’appel au Rewind est effectué par le « crowd » (le public) grâce à des injonctions orales ou des gestes comme la main en forme de pistolet signifiant que ce son est une tuerie.

« London is saturated with bullshit bars where you can go if you want to chat. We’re not interested in that. »

« Part of what DMZ is about is a rejection of celebrity culture »

– Loefah

Aux soirées DMZ, tout le monde est intensément concentré sur la musique. Le crowd est jeune, multicolore, plutôt masculin mais loin d’être violent. Le Wobble crée une véritable attraction. Les participants cherchent la vibe ou le groove en sirotant leurs bières, aucun ne semble pourtant en état d’ébriété. Pas de drague, pas de véritable danse, mais une fascination profonde pour la musique dubstep.

Les tracks édités (ou non) et jouées par le dj s’appuient sur la famille d’influences musicales du dubstep : la mère dub, le père uk-garage, l’oncle grime, la tante techno. L’expérience dubstep est autant physique que mélodique, elle est au cœur des mixs effectués avec des enchaînements de paysages sonores différents : rythmique uk garage avec des voix chantées africaines, Mc grime sur un beat dubstep-techno-expérimental ou flute/violon ethnique sur une wobble surpuissante. Et c’est ce que le crowd vient chercher, certains fans considérant les soirées DMZ comme un lieu de pèlerinage musical. Cette « sacralisation » de la musique dubstep est rendue d’autant plus réelle que le jeu de mots « Mass » Club (qui se prononce comme « la messe ») est situé au 3ème sous-sol (« third base ») de l’église St Matthew’s Church.

La scène DMZ attire de nombreux partisans du grime, UK Hip-Hop. La musique dubstep a cette particularité de faire le lien entre plusieurs scènes alternatives et genres musicaux, regroupement un dancefloor urbain et underground. Les influences de la musique dubstep conduisent naturellement le mouvement à s’unifier autour d’un rejet du « son commercial » (les radios pirates le rejettent déjà massivement). L’expérience dubstep est profonde, presque musico-spirituelle, elle transcende les puristes et les djs. L’humilité est au cœur du mouvement musical dubstep, de même que la tolerance ou le partage.

Les soirées DMZ accueillent de nouveaux Dj tels que Pinch, Hijak, Joe Nice et Vex’d. L’habitué du quartier, Kode9, se joint à Skream, Benga et Youngsta pour intégrer le crew. La famille s’agrandit.

FIN PARTIE 2

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